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La polypose adénomateuse familiale est une maladie caractérisée par l’apparition dans l’intestin de nombreux polypes susceptibles d‘évoluer en cancer en l’absence de prise en charge. Il s’agit d’une maladie génétique rare, le plus souvent liée à des mutations du gène APC (Adenomatous polyposis coli).
Ce que l’on sait : les mutations d’APC entrainent une multiplication anarchique des cellules intestinales
La paroi de l’intestin est en constant renouvellement. De nouvelles cellules remplacent celles déjà en place par des processus hautement contrôlés impliquant la multiplication, la différenciation et la mort des cellules. Les mutations du gène APC altèrent ces processus, provocant la désorganisation de la paroi de l’intestin et la multiplication non contrôlée des cellules intestinales entrainant ainsi un processus d’inflammation, l’apparition des polypes, puis des tumeurs (c.f. Figure – Pathologie). APC est donc considéré comme un gène suppresseur de tumeurs, car ses fonctions sont nécessaires au maintien d’une croissance cellulaire contrôlée.
Notre hypothèse : les mutations d’APC pourraient-elles également influencer les défenses immunes anti-tumorales ?
Figure 1: Réponses immunes antitumorales
Illustration : Andrés Alcover, Vincenzo Di Bartolo, Servier Medical Art
Comment fonctionnent les réponses immunes anti-tumorales ?
Les défenses immunitaires sont essentielles pour contrôler l’apparition et le développement de tumeurs (c.f. Figure – Immunité anti-tumorale). Plusieurs populations de cellules immunitaires sont impliquées. 1) les lymphocytes T régulateurs (Treg) atténuent les processus inflammatoires chroniques, qui peuvent être la cause de cancers ou favoriser leur développement. 2) des cellules sentinelles (cellules dendritiques, DC) détectent l’apparition de cellules cancéreuses et migrent vers les ganglions lymphatiques pour y relayer l’information. 3) Dans les ganglions, les cellules dendritiques rencontrent des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) et des cellules tueuses naturelles (NK), induisant leur activation, prolifération et différentiation. Elles deviennent ainsi plus nombreuses et spécialisées dans l’élimination de cellules tumorales. 4) Les cellules CTL et NK peuvent ensuite migrer à nouveau vers l’organe où se trouve la tumeur et éliminer les cellules tumorales.
Nos résultats préalables
Notre équipe a mis en évidence l’importance de la molécule APC dans les fonctions de plusieurs types de lymphocytes T. APC contrôle l’organisation des structures filamenteuses à l’intérieur des lymphocytes appelées les microtubules. Ces filaments font partie du squelette des cellules et sont importants pour leur organisation interne , pour leur migration et pour la sécrétion des granules cytotoxiques capables d’éliminer des cellules tumorales. Par ailleurs, APC est impliqué dans la production des facteurs sécrétés par les lymphocytes (cytokines), facteurs qui conrôlent la réponse immunitaire ou l’inflammation. Nos travaux sur des souris portant des mutations du gène APC montrent des dysfonctionnements des lymphocytes T régulateurs dans l’intestin, qui produisent moins de cytokine anti-inflammatoire IL10.
Nos travaux plus récents montrent que la protéine APC est importante pour le fonctionnement des lymphocytes T cytotoxiques, cellules très importantes pour l’élimination des cellules tumorales. Ainsi, APC est impliqué dans le processus d’adhésion qui assure les interactions entre ces lymphocytes et les cellules cibles tumorales. APC est aussi nécessaire au transport ciblé de granules lytiques destinés à éliminer les cellules tumorales. Enfin, APC est impliqué dans la migration des lymphocytes T.
Ces résultats indiquent que des mutations d’APC pourraient avoir un effet délétère, tout d’abord sur la capacité du système immunitaire à prévenir l’inflammation. En effet, l’inflammation persistante contribue au développement des tumeurs. Par ailleurs, des mutations d’APC pourraient aussi affecter à plusieurs niveaux les fonctions des lymphocytes T cytotoxiques, qui sont très importants dans l’élimination des cellules tumorales.
Ces observations très intéressantes, méritent donc d’être revisités dans le cadre des lymphocytes des patients de polypose porteurs des mutations du gène APC.
Quel est le but de notre projet de recherche clinique ?
L’objectif de ce projet est de mieux définir les conséquences des mutations d’APC présentes dans des patients de polypose familiale sur les fonctions de leurs cellules immunitaires. Nous comparons des cellules des patients avec celles des volontaires sains du même sexe et age, car ces deux éléments conditionnent la réponse immunitaire. Le but est de détecter si de différences fonctionnelles pourraient être responsables d’une immunité anti-tumorale défectueuse chez ces patients.
Qu’e faisons-nous plus concrètement ?
Nous avons réuni une cohorte de patients atteints de polypose et porteurs de mutations du gène APC et des volontaires sains, afin d’analyser à partir d’échantillons de sang et à l’aide de technologies de pointe les caractéristiques et fonctions des cellules immunitaires suivantes :
- La fréquence de diverses populations des cellules immunitaires ;
- la capacité des cellules immunitaires à réagir à des stimulus différents en exprimant certains gènes et en produisant diverses cytokines ;
- leur capacité à se différencier en cellules dites effectrices, telles que les lymphocytes T régulateurs et cytotoxiques ;
- leur capacité à migrer pour pouvoir atteindre et infiltrer les tumeurs ;
- la capacité des lymphocytes T cytotoxiques et des cellules NK à produire des granules cytotoxiques et à éliminer les cellules tumorales.
Les mutations d’APC pourraient affecter un ou plusieurs de ces processus (c.f. Figure).
Quels sont nos résultats ?
Nos résultats récents issus de l’étude des lymphocytes T de sept patients comparées au même nombre d’individus sains montre que les lymphocytes des patients ont une capacité de migration moindre que celle d’individu sains. Ces expériences, réalisées sous le microscope dans des conditions de migration différentes montrent qu’un environnent de migration serré et nécessitant l’adhérence des lymphocytes serait défavorable à la migration des lymphocytes des patients. Les tumeurs solides forment un tissu assez compact et formé par divers types cellulaires, tumorales et autres
Collaborations: Cette étude est conduite en collaboration avec l’Association Polyposes Familiales France (https://www.polyposes-familiales.fr/), avec la plateforme ICAReB (Investigation Clinique et Accès aux Resources Biologiques) de l’Institut Pasteur, avec le projet LabEx Milieu Intérieur (http://www.milieuinterieur.fr/fr) et avec des cliniciens spécialistes, les professeurs Yann Parc, Hôpital Saint Antoine, Paris, Jean Christophe Saurain, Hôpital Édouard Herriot, Lyon et Iradj Sobhani, Hôpital Henry Mondor, Créteil.
Ce projet est financé par l’Institut Pasteur, par La Ligue Contre le Cancer-Équipe Labellisée Ligue-2018, par deux allocations doctorales de La Ligue Contre le Cancer, et par l’INSERM.
Illustration : Andrés Alcover, Vincenzo Di Bartolo, Servier Medical Art
Résumé graphique du projet
Andrés Alcover (Institut Pasteur), Muriel Le Bidan et Christine Micallef (Association Polyposes Familiales France), Dessins: Sonia Agüera-Gonzalez (@tenmeillust)