En greffant à des souris des cellules souches sanguines humaines, une équipe de l’Institut Pasteur, INSERM et CNRS, est parvenue à maintenir le parasite Plasmodium vivax in vivo. Un nouveau modèle pour explorer des pistes thérapeutiques.
Avec 241 millions de malades et 627 000 morts dans le monde en 2020 selon les derniers chiffres de l’OMS, le paludisme demeure un problème majeur de santé publique. Plasmodium vivax, l’agent le plus répandu du paludisme présente des caractéristiques qui le rendent difficile à contrôler et à éliminer. Aucun des traitements actuels ne permet d’éliminer les parasites « dormants » dans le foie et responsables de rechutes. Une étude de chercheurs de l’Institut Pasteur publiée dans Nature Communications propose un nouveau modèle animal afin de faciliter l’étude in vivo de ce parasite.
Afin de mieux reconstituer les interactions entre P. vivax et son hôte humain, les chercheurs ont travaillé sur des souris chez lesquelles ils ont greffé des cellules souches de sang humaines. « Ainsi, la moelle osseuse de ces souris est capable de produire les cellules humaines du sang, dont les globules rouges cibles des parasites, explique Sylvie Garcia, chef de groupe dans l’unité Biologie des interactions hôte-parasite. Or si le parasite est observé dans la circulation, on le retrouve aussi dans la moelle osseuse, qui est un réservoir chez l’homme des stades de P. vivax qui se transmettent au moustique. » Mieux étudier ces stades permettrait donc de comprendre comment le parasite se dissémine, et pour en bloquer la transmission.
Faciliter la recherche de médicaments et de vaccins
Ce modèle permet donc de recréer le cycle sanguin de P. vivax, la phase de sa vie responsable des symptômes chez les patients et durant laquelle il se transmet aux moustiques. « Les modèles de souris ne pouvaient pour le moment pas produire de globules rouges humains. Avec ce nouveau modèle, nous pouvons obtenir des formes parasitaires transmissibles au moustique, puis du moustique à l’être l’humain. Jusque-là, ces formes étaient uniquement obtenues à partir de moustiques nourris par du sang de patients infectés », poursuit Sylvie Garcia. Il était donc nécessaire d’obtenir des échantillons de sang très régulièrement. Un obstacle majeur pour la recherche, que cette technique permettra de contourner.
En arrivant à produire au sein de la moelle osseuse des globules rouges immatures, au stade où ils sont infectés par P. vivax, ces souris fournissent un modèle in vivo dans lequel le parasite peut se maintenir. Il s’agit d’une avancée majeure pour un pathogène qu’il n’est pas possible de cultiver à long-terme in vitro afin de tester de nouveaux candidats médicaments et vaccins. Ce modèle pourrait aussi présenter un intérêt pour l’étude d’autres pathologies liées aux globules rouges, comme la drépanocytose ou les thalassémies.
Source :
Humanized mice for investigating sustained Plasmodium vivax blood-stage infections and transmission, Nature Communications, 15 Juillet 2022
Camilla Luiza-Batista1,2, Sabine Thiberge1, Malika Serra-Hassoun1, Flore Nardella1, Aurélie Claës1, Vanessa C. Nicolete3, Pierre-Henri Commère4, Liliana Mancio-Silva1, Marcelo U. Ferreira3, Artur Scherf1, Sylvie Garcia1
1 – Institut Pasteur, Université Paris Cité, Inserm U1201, CNRS EMR9195, Unité de Biologie des Interactions Hôte-Parasite, 75015 Paris, France
2 – Sorbonne Université, École Doctorale Complexité du Vivant, Paris, France
3 – Department of Parasitology, Institute of Biomedical Sciences, University of São Paulo, São Paulo, Brazil
4 – Institut Pasteur, Université Paris Cité, Cytometry and Biomarkers UTechS, CRT, 75015 Paris, France.