Comprendre les causes de la malnutrition chronique
Contexte
Un enfant sur quatre âgé de moins de 5 ans dans le monde souffre de malnutrition. Celle-ci est en cause dans près de la moitié de la mortalité infantile, soit plus de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans chaque année. La malnutrition est également responsable d’importantes anomalies du développement physique et mental. Les enfants qui en sont victimes ont des performances cognitives amoindries et de graves difficultés d’apprentissage. Elle alimente ainsi le cercle vicieux de la pauvreté en pesant lourdement sur les possibilités de développement socio-économique des générations futures.
Le manque de nourriture ou les mauvaises pratiques alimentaires ne sont pourtant pas les seules causes de malnutrition. Les conditions sanitaires et d’hygiène dégradées dans les pays à ressources limitées exposent les enfants de façon continue à des agents infectieux . Ceux-ci affaiblissent de façon permanente leur système immunitaire et provoquent une inflammation chronique de l’intestin, connue sous le nom d’« entéropathie environnementale pédiatrique (EEP) ». On estime que plus de 75 % des enfants dans les pays en développement en souffrent à des degrés divers. Ce syndrome, qui perturbe le fonctionnement de l’intestin, est aujourd’hui reconnu comme l’une des causes majeures de la malnutrition. Pourtant les données scientifiques sur l’EEP sont quasiment inexistantes. Mené en partenariat avec les Instituts Pasteur de Madagascar et de Bangui – situés dans deux pays où la proportion d’enfants malnutris est particulièrement élevée – , le projet Afribiota a pour ambition d’identifier des marqueurs pour diagnostiquer l’entéropathie environnementale pédiatrique, de mesurer le nombre d’enfants (prévalence) souffrant de ce syndrome et de mieux comprendre les mécanismes biologiques qui en sont à l’origine. Ces résultats serviront de base pour développer des stratégies de prévention et de traitement afin d’améliorer le statut nutritionnel, le développement et l’immunité des enfants malnutris.
Une approche multidisciplinaire inédite pour comprendre le syndrome d’EEP
Dirigé par le Pr Philippe Sansonetti et le Dr Pascale Vonaesch, ce projet de recherche propose pour la première fois d’aborder le syndrome d’EEP dans toute sa complexité. Une étude diagnostique et épidémiologique permet de comparer chez des enfants malnutris (sévères ou modérés) et normonutris différents marqueurs biologiques d’EEP dans le but de développer un test diagnostique facilement utilisable sur le terrain. Cette étude servira également à obtenir une première estimation du nombre d’enfants souffrant de cette inflammation intestinale à Madagascar et en République centrafricaine.
En parallèle, une étude médico-anthropologique analyse les pratiques alimentaires, d’hygiène, de puériculture, l’attitude des parents en cas de maladie, le contexte économique et politique, afin de comprendre pourquoi certains enfants développent une EEP et d’autres pas.
Une étude de la flore (microbiote) et de la barrière intestinale est en cours afin de mieux décrire les altérations biologiques de l’intestin dues à l’EEP, y compris l’inflammation chronique, et éventuellement d’identifier de nouveaux marqueurs de ce syndrome.
Une étude immunologique est également en cours afin de comprendre pourquoi les enfants malnutris répondent moins bien aux vaccins.
Une étude du développement psychomoteur sera réalisée auprès de tous les enfants recrutés dans l’étude. Tenant compte de l’environnement culturel des deux pays partenaires, un test standardisé a été développé, permettant d’évaluer un ensemble de critères (langage, motricité, aptitudes cognitives) et d’identifier des liens possibles entre EEP, malnutrition et troubles psychomoteurs.
In fine, une modélisation mathématique compilera l’ensemble des données obtenues dans chaque étude afin d’obtenir une vision holistique de la PEE qui servira de base pour développer des stratégies de prévention et de traitement pour améliorer le statut nutritionnel, le développement et l’immunité des enfants.